L’importance d’aimer son travail : Poéme de Khalil Gibran
« Vous travaillez pour marcher d’un même pas avec la terre et l’âme de la terre.
Car rester oisif c’est devenir étranger aux saisons, et s’écarter de la procession de la vie qui avance vers l’infini avec majesté et une orgueilleuse soumission.
Toujours, on vous a raconté que le travail était une malédiction et le labeur une infortune.
Mais moi je vous dis que lorsque vous travaillez vous accomplissez une part de rêve le plus lointain de la terre, celle qui vous a été assignée quand ce rêve est né.
Et c’est en restant au travail que vous manifestez un véritable amour de la vie.
Et aimer la vie dans le travail, c’est établir des liens intimes avec le plus profond secret de la vie.
On vous a raconté aussi que la vie est ténèbres et, épuisés, vous faites écho à ce que disent les épuisés.
Et je dis que la vie est ténèbres, en effet, sans un désir ardent.
Et tout désir ardent est aveugle, s’il n’y a pas connaissance.
Et toute connaissance est vaine, s’il n’y a pas travail.
Et tout travail est vide, s’il n’y a pas amour.
Et lorsque vous travaillez avec amour, vous liez vous-même à vous-même, et aux uns et aux autres.
Le travail est l’amour rendu visible.
Et si vous travaillez sans amour mais seulement avec dégoût, il vaut mieux quitter votre travail et vous asseoir à la porte du temple et accepter l’aumône de ceux qui travaillent avec joie.
Car si vous cuisez le pain avec indifférence, vous cuisez un pain plus amer qui ne satisfait qu’à moitié la faim de l’homme.
Et si vous pressez le raisin à regret, votre regret distille un poison dans le vin.
Et si vous chantez, fut-ce comme les anges, et n’aimez pas chanter, vous rendrez l’oreille de l’homme sourde aux voix du jour et aux voix de la nuit. »
Khalil Gibran