Le prix de la liberté et du refus
Un film tout récent – Snowden – réalisé par Oliver Stone sur le dénonciateur des écoutes de la NSA et un livre de Boris Cyrulnick, paru cette année, – Ivres paradis, bonheurs héroïques -, amènent, en autres sujets, à s’interroger sur les risques pris par les lanceurs d’alerte mais aussi par les simples « refusants », ces individus qui, en conscience et parfois anonymement, n’acceptent pas un ordre illégitime ou immoral à leurs yeux.
Dire non (Extraits du livre de B. Cyrulnik)
» Dans la vie en société, quand on dit non, on s’éloigne, on s’isole parfois; mais quand dit oui pour simplement rester dans le groupe, que devient notre authenticité ? Un « yes man » dit toujours oui, tant il a peur de perdre l’affection des autres. C’est ainsi qu’on éprouve un immense apaisement en se soumettant à cet ensemble d’opinions convenues qui nous évite de penser et nous aide à bêler au milieu du troupeau. L’inquisition en 1600 a envoyé sur le bûcher Giordano Bruno parce que cet « hérétique » avait blasphémé contre les Ecritures en soutenant que la terre tournait autour du soleil. » Non seulement sa doctrine s’oppose à la parole biblique, disaient les inquisiteurs, mais en plus elle est totalement stupide puisqu’il suffit de voir que le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest. C’est une évidence ! »
Lorsque nous disions ensemble que la terre est plate, nous avions une sensation de vérité puisque le groupe entier répétait les paroles d’une institution respectée.
Mediator et NSA
Et aujourd’hui, d’Irène Frachon (Médiator) à Snowden (NSA), c’est encore bien dangereux de dire non à un chef vénéré ou à une institution majeure : s’opposer au plus grand nombre, c’est se retrouver dans la situation du transgresseur, du malfaisant, de l’empêcheur de tourner en rond.
Car, en scandant les mêmes slogans, en chantant en chœur les mêmes refrains sacrés, nous finissons par éprouver un vrai sentiment d’appartenance. Réseaux sociaux et Internet, rapprochant par nature les tenants d’une même doctrine, confirment la puissance de notre groupe. Nous pensons comme un seul homme, cela crée une certitude fortifiante, une délicieuse fraternité. Nos héros communs deviennent des idoles qui déclenchent passion, enthousiasme, feu sacré… et nous mettent sur le chemin du sublime !
Et si un autre groupe éprouve son bonheur en chantant d’autres hymnes et en célébrant d’autres héros, déclarons-lui la guerre car nous sommes les seuls à dire la vérité. Tout autre est un mécréant, un déviant qui nous insulte, un blasphémateur qu’il est moral d’envoyer au bucher;
Voilà pourquoi la liberté de penser autrement est une épreuve angoissante en ce qu’elle isole et risque de provoquer la haine de ceux qu’on aime encore, malgré nos désaccords.
Oser dire non, oser refuser, oser dénoncer, oser rester fidèle à son éthique, que ce soit en famille, au travail, au sein d’une organisation, c’est prendre le risque de se trouver rejeté par le système et de se retrouver seul contre tous.
Il en faut alors du courage pour affronter le rejet du groupe et une conviction bien chevillée au corps et des valeurs si fortes qu’on ne peut pas les laisser piétinées au risque d’y perdre son âme.
Savoir dire non, c’est dire OUI à soi-même. Savoir dire non, c’est accepter cette part unique de soi-même et être authentique.