Eloge du silence
C’est dans le creux des silences que les phrases viennent se reposer.
Dans ces vides, les mots lâchés se remettent en ordre et reprennent leur souffle.
Il est des moments de silence chargés de rumeurs, de bourdonnements, de brouhahas, de chaos, de confusion et puis soudain l’harmonie revient et remplit la pièce d’une douce mélodie et je prends acte de ta délivrance.
Il est des silences embarrassés, d’autres perplexes ou encore vibrants de mille hypothèses, il n’en est point vides de sens.
Le silence est le mouvement de l’âme vers l’être. Lorsque notre client se tait et semble rentrer en lui-même, c’est le moment précieux qu’il convient de respecter.
Le laisser faire ce voyage au centre, à la recherche de son axe perdu.
La parole parfois se retient comme affolée par le vide, « tourne ta langue sept fois dans ta bouche » lui a -t-on dit, alors le temps suspend son vol et tournoie au-dessus de nous.
Aujourd’hui, peut être, tu repartiras sans avoir éclairci le tourbillon de tes pensées. Qu’importe, demain est un autre jour. Et quand nous nous reverrons, nous reprendrons notre discussion ou nous l’avions laissée… ou pas. Peut être auras tu mis en ordre toi-même tes cogitations et n’auras tu plus besoin de moi, et c’est bien aussi.
La parole ne vient pas sur commande elle s’extirpe parfois douloureusement, elle s’accouche. Notre dialogue s’écrit comme une partition ponctuée de silences. Pianissimo, puis allegro, forte ma non troppo, ainsi va notre dialogue et je me garde bien d’interrompre au risque de rompre la magie.
Et puis ce temps qui est tien a besoin parfois de s’étirer, de s’étaler, de s’affaler, de batifoler.
A d’autres moments, ton temps, tu le tords, le convulse, le torture.
Et toujours tu tiens bon, tu cherches, tu trouves, tu rejettes, cherches à nouveau, interroges, voyages, et reviens au port.
Si la parole est d’argent le silence est d’or, et c’est au cœur de ces mots retenus, de ces idées suspendues, de ces divagations, de tes errements, de ce cheminement secret vers l’intérieur, dans les profondeurs de l’âme, que se travaille l’œuvre au noir.
De ces moments intenses au silence dense tu émerges plus léger, ayant accompli ton grand œuvre : transformer le plomb du malheur en or et ayant achevé ta transmutation reprendre le cours de ta vie et voler vers d’autres aventures.